Les premiers hommes à fouler le sol du Yukon sont venus de l’Asie à la fin de l’époque glaciaire. Le moment exact de leur arrivée sur le continent américain fait encore l’objet de débats chez les scientifiques, mais à l’heure actuelle, il y a consensus pour la faire remonter à il y a environ 15 000 ans, une conclusion fondée sur plusieurs faisceaux de présomption.
Les similarités entre l’ADN et les types sanguins des divers peuples autochtones du continent américain et des peuples asiatiques d’Asie sont parmi les sources de données les plus convaincantes. Selon les analyses génétiques d’échantillons prélevés à un lieu d’inhumation vieux de 24 000 ans à Mal’ta, un site archéologique de la Sibérie centrale, des humains originaires d’Europe auraient migré vers l’est jusqu’en Asie où ils se seraient mêlés aux populations locales, puis auraient franchi le pont continental de Béring. L’analyse d’ADN de restes humains exhumés d’un lieu de sépulture remontant à 13 000 ans de la culture Clovis au Montana a confirmé que ces hommes, ainsi que les Autochtones qui ont par la suite peuplé l’Amérique du Nord, descendaient directement des premiers habitants de la Sibérie. Même après des dizaines de milliers d’années de séparation, on retrouve certaines similitudes entre les langues autochtones parlées en Sibérie et celles des Premières nations du Yukon.
Les plus anciennes traces d’occupation humaine dans l’Arctique ont été mises au jour au site archéologique Yana RHS, à l’embouchure du fleuve Iana, en Sibérie septentrionale. Elles remonteraient à environ 35 000 ans, durant une période relativement chaude de l’époque glaciaire. Parmi les nombreux artéfacts en ossements d’animaux et en pierre que recelait le site, on a trouvé une alène (poinçon) qui servait à la confection de vêtements.
Sans l’évolution technologique leur permettant de confectionner des vêtements chauds et des abris adéquats, les hommes préhistoriques n’auraient pas pu s’établir dans l’Arctique ni se rendre un jour jusqu’au Yukon. Les restes d’ossements calcinés qu’on a trouvés et qui auraient servi à alimenter d’anciens feux de camp sont parmi les adaptations ayant permis aux premiers habitants de survivre dans cet environnement inhospitalier dépourvu d’arbres. La migration qui les a menés par petits groupes à travers l’Eurasie et la Béringie jusqu’en Amérique du Nord se serait produite il y a environ 15 000 ans. Et à peine quelques centaines d’années plus tard, des humains avaient poussé jusqu’à l’extrémité méridionale de l’Amérique du Sud – un véritable exploit!
À la fin de l’époque glaciaire, rares étaient les endroits sur le continent américain qui n’avaient pas été explorés par les descendants des premiers humains arrivés de Sibérie par le pont continental de Béring.
La présence humaine au Yukon à l'époque glaciaire
Le Yukon ne compte que quelques sites archéologiques préhistoriques pouvant nous renseigner sur la vie de ses habitants à l’époque glaciaire. L’un des plus connus est celui des grottes du Poisson-Bleu, un ensemble de petites cavités nichées sur un haut plateau rocheux à une trentaine de kilomètres au sud-ouest d’Old Crow qui ont été découvertes au début des années 1970. Les fouilles s’y sont poursuivies jusque dans les années 1990 et ont permis de constituer l’un des plus importants registres fossiles de mammifères présents en Béringie à l’époque glaciaire. On a trouvé à côté des ossements fossilisés des outils de pierre abandonnés par un petit groupe d’humains qui auraient occupé les lieux il y a environ 14 000 ans.
Les grottes recèlent d’autres vestiges attestant possiblement d’une occupation encore plus ancienne. Certains os fossilisés datant d’aussi loin que 25 000 ans portent des marques qui donnent à penser qu’ils auraient été entaillés par des humains. Cependant, cette hypothèse est contestée par de nombreux archéologues; selon eux, ces marques seraient l’œuvre, non pas d’humains, mais de grands carnassiers de l’époque préhistorique ou auraient été causées par des phénomènes naturels.
Le site Little John, un campement préhistorique en bordure de la route de l’Alaska, près de Beaver Creek, date lui aussi d’environ 14 000 ans. Divers outils en pierre, dont des pointes de lances caractéristiques du complexe Chindadn, ont été exhumés des plus anciens dépôts sédimentaires au site Little John. On a trouvé les restes d’animaux de l’époque glaciaire qui avaient été dépecés sur place, dont le bison des steppes, le caribou et le wapiti, côte à côte avec ceux de loups, de lièvres et de cygnes. Les découvertes faites sur ce site s’apparentent à ce qu’on a trouvé à plusieurs autres campements datant de la fin de l’époque glaciaire dans la vallée de la rivière Tanana, dans l’intérieur de l’Alaska. Toutefois, on n’a jamais découvert au Yukon de squelettes ni même d’os de ces premiers habitants.
À la fin de l’époque glaciaire, les cultures préhistoriques ont dû s’adapter aux transformations radicales qu’ont connues les écosystèmes et les populations de mammifères. Les peuplades qui occupaient le Yukon ont dû apprendre à survivre au milieu des forêts boréales nouvellement établies, ce qui impliquait l’adoption de nouvelles technologies et d’un mode de vie plus diversifié intégrant la pêche et la chasse au petit gibier. À bien des égards, leur existence est devenue plus difficile, car leur nouvel environnement était beaucoup moins productif que la steppe-toundra qui dominait le paysage à la fin de l’époque glaciaire et que peuplaient des communautés animales beaucoup plus diverses et abondantes que la forêt boréale.
Les ancêtres des Premières nations du Yukon sont probablement arrivés du nord-est de l’Asie durant une nouvelle vague de migration au début de l’Holocène. Ils appartenaient à la famille linguistique déné ou athapascane qui s’est répandue en Alaska et au Yukon. Au cours des 10 000 ans qui ont suivi, ces premiers habitants du Yukon ont colonisé tout le territoire et développé des modes de vie et des cultures fortement axés sur les ressources disponibles, elles-mêmes en constante évolution. Le bison, le caribou, le saumon et l’orignal ont été à divers moments dans l’évolution de ces peuples des sources de subsistance essentielles et, sans eux, les cultures autochtones du Yukon n’auraient pas la richesse et le dynamisme qu’on leur connaît aujourd’hui.