Paresseux Marcheur de Jefferson

Le paresseux marcheur de Jefferson est peut-être la créature la plus étrange à avoir foulé le sol du Yukon. Cet animal insolite est un cousin éloigné des paresseux arboricoles qui vivent encore aujourd’hui dans les arbres de l’Amérique centrale et de l’Amérique du Sud. La famille des paresseux est originaire d’Amérique du Sud. Elle a franchi l’isthme de Panama vers le nord voilà environ 5 millions d’années. Plusieurs espèces de paresseux marcheurs ont vécu en Amérique du Nord et en Amérique du Sud pendant l’époque glaciaire, mais une seule, nommée en l’honneur du président américain Thomas Jefferson, a atteint le Yukon et l’Alaska. 

Phalange d’un paresseux marcheur de Jefferson, trouvée dans la région d’Old Crow.
Phalange d’un paresseux marcheur de Jefferson,
trouvée dans la région d’Old Crow.

Un paresseux de Jefferson adulte aurait eu la taille d’un buffle et aurait mesuré jusqu’à trois mètres de longueur. Toutefois, malgré leur physique imposant, ces paresseux géants étaient herbivores. Leurs longues griffes acérées auraient pu leur servir à se défendre, mais elles étaient probablement mieux adaptées à la préhension, par exemple à la cueillette de nourriture dans les branches d’arbres. Leurs dents conoïdes (en forme de cônes), longues et épointées, servaient à dégarnir les branches d’arbres et d’arbustes de leurs feuilles. Tout comme ses cousins arboricoles, le paresseux marcheur de Jefferson avait probablement une démarche malhabile au sol : en raison de ses pieds en abduction, il devait marcher sur la tranche du pied (du côté du petit orteil) et ses malléoles. 

On trouve souvent des fossiles de paresseux marcheurs de Jefferson dans l’ouest des États-Unis, dans la région des Grands Lacs et en Floride. Ce paresseux utilisait probablement les cavernes pour se mettre à l’abri des intempéries et se cacher des prédateurs affamés. Un de ses lointains cousins, le paresseux terrestre de Shasta (Nothrotheriops shastensis) est bien connu pour les dépôts d’excréments fossilisés extrêmement épais qu’on a trouvés dans des cavernes dans le sud-ouest des États-Unis. Une autre découverte spectaculaire a été faite dans une caverne du Tennessee, soit celle d’un squelette presque complet d’un paresseux terrestre de Shasta dont les ligaments et le cartilage étaient préservés. Un doigt était même encore pourvu de son ongle!

Les scientifiques ne s’entendent pas sur les causes de la disparition des paresseux marcheurs, voilà environ 11 000 ans. On n’a trouvé des ossements de paresseux marcheurs de Jefferson qui semblent avoir été dépecés par des humains que dans un seul endroit en Amérique du Nord. Il est donc peu probable que leur disparition soit due à une chasse abusive. 

Les paresseux marcheurs du Yukon

Au Yukon, les fossiles de paresseux marcheurs de Jefferson sont rares; on n’en a trouvé que le long de la rivière Old Crow. Ailleurs dans le Nord, on en a trouvé en Alaska, près de Fairbanks, et dans les Territoires du Nord-Ouest, près de Yellowknife. Les spécimens d’Old Crow sont nettement plus petits que les fossiles de l’espèce qu’on a trouvés plus au sud. Il est possible que cette taille réduite ait été une adaptation aux températures plus froides auxquelles l’espèce a dû faire face dans le Nord.

Le saviez-vous?

Au Yukon, lorsque les paléontologues découvrent un gros fossile dont l’apparence étrange ne correspond pas à celle de l’un ou l’autre des mammifères typiques de l’époque glaciaire, leur première hypothèse est généralement qu’il s’agit d’un os fossilisé de paresseux marcheur.

Les scientifiques croient que, en raison de sa diète (feuilles et matière ligneuse), le paresseux marcheur de Jefferson n’aurait vécu dans le Nord que pendant les périodes interglaciaires, relativement chaudes. Sa préférence en matière d’habitat donne à penser qu’il avait disparu du Yukon il y a environ 75 000 ans, lorsque le climat glacial et sec a entraîné la régression des arbres et favorisé l’expansion de la steppe à mammouth. Comme le mastodonte et le castor géant, le paresseux marcheur de Jefferson ne s’est aventuré jusqu’au Yukon qu’à l’occasion des brèves périodes relativement chaudes du Pléistocène. 

Pour en apprendre encore plus sur le paresseux marcheur de Jefferson, consultez le dossier de recherche sur la Béringie (en anglais).